18
mars
Z....Disquaire Drink....Z Gibert-Joseph

Showcase gratuit de Joseph D’Anvers à 18h15, Gibert-Joseph Saint-Michel.

On serait presque tenté de qualifier Les Matins blancs de concept album. Ses quatorze chansons sont autant de variations sur un même thème : ces pensées troubles qui nous envahissent au sortir d’une nuit blanche et que chassent les premières lueurs de l’aube.

L’album s’ouvre sur les somptueuses volutes de cordes de « Petite », une ritournelle douce-amère d’où s’échappent ces mots : « chaque seconde est une histoire ». Par contraste, « Surexposé » passerait presque pour guilleret, avec sa rythmique empruntée au Bashung de « Gaby ». « Avant les adieux » est une poignante ballade sur les amours défuntes. « Tremble », écrit par Dominique A, possède la grâce d’un « battement de cils ». La soul chic de « Mon ange » parle des idéaux qui s’effritent. Sur « La vie à présent », une folk song près de l’os, plane l’ombre de Neil Young. Les arpèges de « Sally » sont fébriles comme les doigts des amants le premier soir. Le voile consolateur d’une section de cordes enveloppe les étreintes éphémères de l’aube, celles que Joseph appelle « Les amours clandestines ». « Chaque nuit en son temps » monte crescendo jusqu’à sa fin en suspens, juste au bord du précipice. « Marie », avec son texte signé Lescop, emporte l’auditeur le plus endurci dans son galop romantique. « La nuit, je t’aime quand même » mêle le lyrisme de la plume de Miossec à l’une des plus poignantes mélodies de Joseph. « Les jours incandescents » sinue entre ombre et lumière, avant de s’achever dans un instrumental extatique. « Regarde les hommes tomber » referme avec l’apparente facilité d’un prélude de Satie ce « presque concept album ».

Pour habiller cette collection de chansons, Joseph a fait appel à l’équipe de rêve qui accompagne ou a accompagné Etienne Daho, Alain Bashung et Daniel Darc. Avec pour résultat une interprétation toute en retenue, qui s’arrondit ou se creuse au gré des inflexions de la voix.

Si l’expression « album du renouveau » a un sens, elle s’applique sûrement à ces Matins blancs que Joseph résume ainsi : « Je l’ai fait tout seul, mais je n’ai jamais été aussi entouré. »

Rappel des précédents épisodes :

Pour ceux qui découvriraient Joseph D’Anvers avec cet album ou auraient besoin d’un cours de rattrapage, rappelons qu’il a grandi à Nevers, qu’avant de s’intéresser à la musique, il s’est passionné pour le cinéma, et qu’avant cela, il a assidûment fréquenté les terrains de foot et les salles de boxe. Le nom de ses premiers groupes, Polagirl, Super 8, reflète son intérêt pour l’image. Pas surprenant de le voir intégrer la FEMIS, donc, où il va pratiquer l’école buissonnière « en interne ». La découverte d’une vieille console d’enregistrement dans les sous-sols de l’école le décide en effet à aménager un studio où il passera le plus clair de son temps, à composer des BO pour ses camarades de promotion.

En parallèle mûrit un projet plus personnel, libéré du cadre du groupe. Il commence à démarcher les labels, tout en travaillant sur des tournages de pubs, de documentaires et de longs-métrages. C’est à ce moment qu’il devient Joseph D’Anvers – un clin d’œil à la station de métro près de laquelle il habite -, afin de cloisonner ses activités de chef op’ et de musicien.

Les premiers retours du métier sont encourageants. En chemin pour remettre une maquette à un label, il croise Daniel Darc. Cette rencontre fortuite sera déterminante : Daniel lui suggère d’autoproduire son premier album. Fort de ce précieux conseil, il dépose un dossier de subvention au FAIR qui sera validé et lui permettra de partir en tournée. À la même époque, Les Inrockuptibles incluent sa chanson « Pour un temps » sur leur compilation CQFD 2005.

S’en suit une signature chez Atmosphériques et un premier album, Les Choses en face, en 2006, réalisé par Jean-Louis Piérot, connu pour ses collaborations avec Bashung et Daho. On y croise déjà Miossec, qui mêle sa plume à celle de Joseph sur « La vie est une putain ».

Quelque temps plus tard intervient la rencontre magique avec Alain Bashung, alors en recherche de textes. Joseph lui présente « En amont », « Ma peau va te plaire » et « Tant de nuits », qu’Alain interprétera sur Bleu pétrole.

Avant de s’atteler à son deuxième album, Joseph trouve le temps d’écrire les douze compositions de L’Homme sans âge, pour Dick Rivers.

Pour corriger l’orientation « chanson française » de son premier disque, Joseph opère un retour aux sources, à savoir, le rock et le hip hop avec lesquels il a grandis. Le producteur des Beastie Boys, Mario Caldato Jr., est chargé de mettre ses envies en son. Les Jours sauvages est enregistré entre Rio de Janeiro et Los Angeles, avec la participation de Money Mark, autre collaborateur des Beastie Boys, qui interprète l’envoûtant « Kids », en duo avec Joseph.

L’album est encensé par la critique. Le jury du Prix Constantin tombe aussi sous le charme et le sélectionne pour son édition 2008.

Le troisième opus, Rouge fer, qu’il réalise lui-même, marque une nouvelle étape. Davantage « chanté », parfois en anglais, il confirme l’approche originale de Joseph, tout en rythmiques ondulantes, guitares obsédantes et arrangements subtils.

Rouge fer reçoit le Prix de la Création musicale 2012, catégorie « Jeune auteur », tandis que le récipiendaire, dans la catégorie « Auteur », s’appelle Miossec.

Arrivé au terme de sa collaboration avec Atmosphériques, Joseph produit son quatrième album avec la complicité d’AIM Production, du mécène Antoine Broquereau et du service culturel de la ville de Nevers. Une partie du budget est réunie via KissKissBankBank. Avec une participation de plus de deux-cent-cinquante internautes, le projet est à ce jour le plus rentable du site. Le label At(h)ome entre ensuite en piste, et le tourneur Far Prod, pour les concerts à venir.

La suite au prochain épisode…

Pierre Mikaïloff

http://www.josephdanvers.com/